Mettez l’IA au service de votre stratégie de placement
Comment utiliser l’intelligence artificielle (IA) pour poser des questions plus intelligentes et prendre des décisions de placement plus pointues.
Chris Patterson
30 oct. 2025
Lecture de 8 minutes
Une conversation avec Chris Patterson, chef, Solutions IA de la Banque CIBC, sur la façon d’utiliser l’intelligence artificielle (IA) pour poser des questions plus intelligentes et prendre des décisions de placement plus pointues
Note de l’éditeur : L’entretien qui suit a été édité pour des raisons de clarté et de longueur. Il est destiné à des fins éducatives uniquement et ne constitue pas un conseil en placement ou une recommandation d’achat ou de vente d’un titre quelconque. Tenez toujours compte de vos objectifs, de votre tolérance au risque et de votre horizon de placement, et vérifiez les informations avant de prendre des décisions.
Et oui, l’intelligence artificielle (IA) a aidé à la rédaction de cet article. Et non, elle ne s’est pas plainte lorsque nous avons mentionné les hallucinations.
Les outils d’IA modifient la manière dont les investisseurs découvrent des idées, digèrent les informations et prennent des décisions. Mais par où commencer si l’on est un novice? Et comment un investisseur intermédiaire peut-il devenir plus rigoureux, c’est-à-dire plus précis, axé sur des faits et cohérent, plus rapidement? Nous avons rencontré Chris Patterson, chef, Solutions IA de la CIBC et investisseur passionné, pour discuter de la façon dont il utilise l’IA dans son propre processus, de ce qu’elle fait de mieux, de ce qu’elle peut faire de mal et des questions pratiques que tout le monde peut essayer.
Comment mettez-vous l’IA en pratique pour votre portefeuille ?
Chris Patterson : J’ai récemment procédé à un rééquilibrage afin de créer un portefeuille de revenu plus stable lorsque les rendements des produits assimilés à des espèces ont chuté. Je recherchais des sociétés qui versent des dividendes et dont les distributions sont durables. L’IA a expliqué la durabilité des dividendes en termes simples; elle a examiné et décomposé les ratios de distribution, la couverture des flux de trésorerie et la manière dont les cycles économiques peuvent affecter les bénéfices. Cela m’a donné la confiance dont j’avais besoin pour aller de l’avant et faire les changements.
Elle m’a vraiment aidé à traduire des documents complexes – des états financiers, des commentaires de la direction – en un langage clair qui a permis de répondre à certaines des questions précises que j’ai posées.
Vous êtes-vous appuyé sur l’IA pour repérer les « bons » facteurs ou l’avez-vous guidée? Par exemple, lui avez-vous demandé de tenir compte des données sur la confiance des consommateurs pour évaluer les commerces de détail ou du niveau d’endettement des consommateurs pour les banques ?
Chris Patterson : Je l’ai guidé. C’est la clé. L’IA est prédictive : elle fera de son mieux en fonction de la question que vous posez. Plus votre question est précise, meilleure sera la réponse. Si vous demandez simplement « Est-ce un achat ou une vente? », vous obtiendrez souvent une réponse vague ou basée sur le sentiment. Si vous demandez « Dans quelle mesure le dividende de cette société a-t-il été couvert par les bénéfices et le flux de trésorerie disponible au cours des trois dernières années? », vous obtiendrez quelque chose de beaucoup plus utile.
Pour les investisseurs ayant un peu d’expérience, quels types de scénarios hypothétiques l’IA peut-elle explorer?
Chris Patterson : Ils sont nombreux. Supposons que vous recherchiez une action d’un secteur cyclique des matières premières, comme un titre pétrolier. Vous pouvez poser la question suivante : « Si le prix du pétrole atteint une moyenne de X, comment cela pourrait-il affecter les revenus, les marges et la sécurité des dividendes? » L’IA peut déduire sa réponse des résultats historiques et des commentaires prospectifs de la direction, à condition que vous fournissiez ces sources ou que vous y fassiez référence. Ce n’est pas d’une boule de cristal, mais elle est excellente lorsqu’il s’agit de définir des fourchettes plausibles et leurs implications.
Qu’en est-il de l’utilisation de l’IA à l’approche de la saison des résultats ?
Chris Patterson : Elle est très performante quand il s’agit d’assimiler les publications de résultats et les transcriptions des conférences téléphoniques. Je lui demanderai de résumer le trimestre en termes simples, de signaler tout changement dans les prévisions et de mettre en évidence les risques sur lesquels la direction ou les analystes ont mis l’accent. Si une action évolue d’une manière qui ne semble pas intuitive par rapport aux chiffres publiés, l’IA peut souvent mettre en évidence un élément dans les questions-réponses ou dans le sentiment plus général sur les nouvelles qui expliquent cette évolution. C’est un gain de temps et cela fait apparaître des éléments qui pourraient vous échapper.
Manifestement, vous savez comment interagir avec l’IA, mais comment un novice dans l’utilisation de l’IA peut-il commencer?
Chris Patterson : Commencez en partant du haut vers le bas. Posez peut-être d’abord une question au niveau sectoriel. Par exemple :
- « Compte tenu de l’environnement macroéconomique actuel, quels secteurs pourraient convenir à un profil de risque [prudent, modéré, dynamique] et à un horizon de placement [insérer votre horizon de placement]? »
- « Quels sont les principaux facteurs de rendement dans [le secteur] et quels sont les indicateurs les plus importants? »
Une fois que vous avez choisi un secteur, faites une analyse plus approfondie :
- « Donne une liste restreinte de sociétés, ou de FNB ou de fonds communs de placement diversifiés, dans [monde ou région] au sein de [secteur], avec des données fondamentales générales : évaluation, croissance et caractéristiques de revenu. »
- « Explique les principaux risques qui pèsent sur ce secteur au cours des 12 à 24 prochains mois et ce qui modifierait les perspectives de placement. »
L’idée est de laisser l’IA vous construire une carte, puis vous choisissez l’itinéraire.
De nombreux investisseurs veulent simplement obtenir une réponse directe : « S’agit-il d’un achat ou d’une vente? » Mais est-ce même une bonne question à poser à l’IA?
Chris Patterson : En général, ce n’est pas la meilleure question. Vous obtiendrez souvent une réponse ambiguë ou influencée par les conversations du moment. Une meilleure question serait : « Donne-moi l’argumentaire haussier et baissier pour [société ou ETF] sur la base des données fondamentales et des sources crédibles. Dresse la liste des hypothèses et des éléments qui invalideraient chaque cas. » Cela vous permet de vous informer tout en vous laissant la possibilité de prendre la décision.
Qu’est-ce que les utilisateurs doivent revérifier dans les résultats de l’IA?
Chris Patterson : Je valide trois éléments clés :
Vérifiez les calculs.
Vérifiez ponctuellement les ratios et les totaux. L’IA peut faire des erreurs de calcul. Vérifiez les ratios de distribution, les taux de croissance ou les totaux à l’aide d’une calculatrice ou de documents officiels. Si l’IA fournit des chiffres, demandez-lui de citer ses sources. Suivez les liens ou les documents pour confirmer.
Vérifiez les sources.
Demandez-lui : « Cite les documents, les transcriptions ou les sources de données que tu as utilisés. » Donnez préférence aus sources primaires, telles que les relations avec les investisseurs ou les rapports d’audit. Si vous vous appuyez sur des informations actuelles, fournissez vous-même les documents les plus récents et demandez à l’IA de les analyser.
Vérifiez les hypothèses et la logique
Demandez à l’IA de dresser la liste des hypothèses et des niveaux de confiance. Demandez : « Qu’est-ce qui pourrait rendre cette conclusion erronée? » Une bonne réponse permettra de repérer les indicateurs avancés et les déclencheurs de risques.
Où l’IA a-t-elle tendance à faire des erreurs ?
Chris Patterson : Hallucinations et accumulation d’erreurs. Si vous imposez une réponse, « Tu dois me donner 5 exemples même s’il n’y en a pas », vous augmentez le risque qu’elle invente quelque chose. Dans des analyses plus longues et en plusieurs étapes, une petite erreur initiale peut faire boule de neige et aboutir à une conclusion erronée. Par conséquent, il est utile de demander des sources, de vérifier les chiffres clés et de regrouper les tâches.
En outre, l’IA peut refléter les préjugés humains, surtout si elle s’appuie sur le sentiment dans la société. Si un récit est dominant en ligne, le modèle peut lui donner trop d’importance. C’est une raison supplémentaire pour axer vos demandes sur des faits, des facteurs et des scénarios, plutôt que sur des opinions.
Pouvez-vous nous faire part de quelques questions qui fonctionnent bien pour les nouveaux investisseurs? Comment faire pour que l’IA vous apprenne ce qui est important et ne se contente pas de vous dire ce qu’il faut acheter ?
Chris Patterson : Essayez ces questions et adaptez-les à votre situation.
- « Je suis un investisseur [prudent, modéré, dynamique] avec un horizon de placement de [horizon de placement]. Définis 3 ou 4 secteurs qui pourraient me correspondre, avec les indicateurs clés, les risques et les mesures typiques à surveiller. Utilise un langage simple. »
- « Résume les deux derniers rapports annuels et la dernière conférence téléphonique sur les résultats de [société ou ETF]. Qu’est-ce qui a changé dans les prévisions, quels risques ont été discutés et qu’est-ce qu’un investisseur doit surveiller au cours du prochain trimestre? Cite les sources. »
- « Pour [le secteur], énumère les cinq facteurs qui influencent le plus le revenu et les marges. Explique comment les variations [des taux d’intérêt, des coûts des intrants, de la politique commerciale] se répercutent généralement sur les bénéfices. »
- « Fournis des arguments en faveur ou contre [la société ou l’ETF]. Indique les hypothèses, les catalyseurs et les éléments qui invalideraient chaque cas. Pas d’objectifs de prix; concentre-toi sur les moteurs de l’activité. »
- « Élabore trois scénarios simples – de base, à la hausse, à la baisse – pour [société ou ETF] au cours des deux prochaines années, en te basant sur des hypothèses prudentes. Explique les conditions opérationnelles ou macroéconomiques qui sous-tendent chaque scénario. »
Des questions ou des pratiques à éviter?
Chris Patterson : Tout à fait. J’évite :
- de forcer les réponses : « Donne-moi cinq rendements de 10 %, quoi qu’il arrive. » Cela favorise les hallucinations. les conseils vagues : « Que dois-je acheter aujourd’hui? » Demandez plutôt des cadres et des facteurs.
- d’avoir une confiance aveugle dans les résultats mathématiques : vérifiez toujours les calculs.
- de traiter l’IA comme un oracle : c’est un copilote, fort en synthèse, faible en certitude.
Qu’en est-il des tactiques plus avancées ou spéculatives, comme les options à court terme?
Chris Patterson : Faites attention. Il est facile de passer de l’investissement au jeu, en particulier avec des instruments conçus pour l’effet de levier. L’IA ne modifiera pas le profil de risque de ces produits. Si vous les utilisez, faites-le dans le cadre d’un plan discipliné et avec des limites de risque, et comprenez que de nombreux utilisateurs perdent de l’argent sur la spéculation à court terme. Pour la plupart des investisseurs, il est préférable de concentrer l’IA sur la recherche, l’analyse de scénarios et la formation sur les portefeuilles.
Principaux points à retenir
L’IA est une assistante puissante pour les investisseurs à tous les niveaux, mais elle récompense les bonnes questions et les vérifications disciplinées. Pour les novices, commencez au niveau sectoriel, apprenez les facteurs et utilisez l’IA pour construire votre cadre de décision. Pour les investisseurs intermédiaires, elle permet d’accélérer les recherches approfondies, d’analyser les documents et les transcriptions, de tester des scénarios et de comparer les sociétés sur la base des mesures les plus importantes.
Le plus important est de rester maître du processus. Demandez les sources. Vérifier les chiffres. Demandez à l’IA d’expliquer ses hypothèses, et ce qui pourrait la faire changer d’avis. Utilisée de cette manière, l’IA ne remplacera pas votre jugement, mais elle vous montrera le processus de réflexion qu’elle a utilisé et vous permettra peut-être d’affiner votre propre réflexion.