Les actions américaines sont-elles chères?

Depuis 2009, le marché boursier américain est en période d’expansion prolongée, portée par des technologies comme les médias sociaux, les téléphones intelligents et, plus récemment, l’intelligence artificielle. Attirant d’énormes flux de capitaux mondiaux, les États-Unis représentent actuellement plus de 60 % de la capitalisation boursière mondiale totale. Les bénéfices coûtent plus cher aux investisseurs sur le marché américain qu’il y a 10 ou 20 ans, ce qui en a amené certains à se demander si les actions américaines étaient devenues chères, surtout par rapport aux bénéfices attendus.

Pourquoi est-ce important? La dernière fois que les actions américaines ont coûté très cher, c’est lors du boom technologique de la fin des années 1990. Ce boom a été suivi d’une « décennie perdue » pour le marché boursier américain, au cours de laquelle le rendement annualisé de l’indice S&P 500 a été négatif pendant toutes les années 2000. Comprendre la valorisation du marché boursier américain, qu’elle soit abordable, chère ou juste, peut aider les investisseurs à gérer leurs attentes et leurs risques.

Dans le présent article, nous expliquons deux façons d’évaluer le marché boursier américain : l’indicateur Buffett et le ratio cours/bénéfice corrigé des variations cycliques (CBCVC) de Shiller. Nous présentons ensuite deux façons d’envisager l’exposition aux actions américaines : la diversification mondiale et américaine.

Deux façons d’évaluer le marché boursier américain

Lorsque nous évaluons le marché boursier américain, nous ne pensons pas au prochain trimestre ou même à l’année prochaine, mais généralement aux dix prochaines années et même au-delà. En gardant cet horizon temporel à l’esprit, nous nous attardons sur deux mesures de valorisation : l’indicateur Buffett et le ratio CBCVC de Shiller.

Le nom de l’indicateur Buffet vient de Warren Buffett, le célèbre investisseur qui dirige Berkshire Hathaway depuis 1965.

Celui du ratio CBCVC de Shiller vient de Robert Shiller, professeur d’économie à l’Université Yale. Ce dernier est le co-créateur de l’indice Case-Shiller des prix des logements, il est l’auteur du livre Exubérance irrationnelle et il a reçu conjointement le prix Nobel d’économie en 2013 pour ses travaux sur l’« analyse empirique des prix d’actifs ».

L’indicateur Buffett

L’indicateur Buffett mesure si le marché boursier est surévalué ou sous-évalué par rapport à la production de l’économie. Il divise la capitalisation boursière totale des actions cotées en bourse d’un pays par son produit intérieur brut (PIB)¹.

Indicateur Buffet = (total de la capitalisation boursière ÷ produit intérieur brut) x 100

Selon Warren Buffett, la valorisation du marché boursier devrait à long terme être ancrée dans la production économique. Un niveau normal pour l’indicateur est d’environ 100 %, ce qui signifie que la capitalisation boursière et la production économique sont à peu près égales.

Comme Warren Buffett l’a fait observer à propos des placements à long terme : « Si le ratio tombe autour de 70 % ou 80 %, l’achat d’actions devrait vous être profitable. S’il s’approche des 200 %, comme ce fut le cas en 1999 et en partie en 2000, vous jouez avec le feu² ».

Le tableau suivant présente des intervalles approximatifs pour l’indicateur Buffett, selon les conditions du marché depuis 1975.

Valorisation	Indicateur Buffett
Très abordable	Inférieur à 60 %
Abordable	De 70 % à 80 %
Normale	De 90 % à 110 %
Chère	De 120 % à 150 %
Très chère	Supérieur à 160 %

Au 31 mars 2025, l’indicateur Buffett du marché boursier américain était d’un peu plus de 189 %³.

Ratio CBCVC de Shiller

Si l’indicateur Buffett compare le marché boursier à la production économique, le ratio CBCVC de Shiller quant à lui fournit un ratio cours/bénéfice (C/B) pour le marché boursier⁴. Il divise le cours du marché boursier par la moyenne de ses bénéfices ajustés à l’inflation sur 10 ans.

Ratio CBCVC de Shiller = prix par action du marché ÷ résultat par action du marché au cours des 10 dernières années, ajusté à l’inflation

Quelle est la différence avec le ratio C/B habituel?

Le ratio C/B habituel mesure le cours par rapport aux bénéfices de la dernière année, les bénéfices étant avant la prise en compte de l’inflation.
Le ratio CBCVC de Shiller mesure le cours par rapport aux bénéfices des 10 dernières années, les bénéfices étant après la prise en compte de l’inflation.

Il est fondé sur 10 ans pour tenir compte de la tendance des bénéfices d’un marché boursier sur un cycle économique complet, car un cycle économique dure généralement moins de 10 ans. Ainsi, on atténue les fluctuations des bénéfices à court terme sur quelques trimestres ou quelques années.

Au cours de la période de 50 ans comprise entre 1975 et 2024, le ratio CBCVC de Shiller moyen du marché boursier américain était de 22,05. Cela signifie qu’un investisseur a versé 22,05 $ pour chaque dollar de bénéfices ajustés à l’inflation. Les niveaux moyens et les sommets ont augmenté au fil du temps. Par exemple, ce ratio était de 32,56 en septembre 1929, juste avant le krach de Wall Street et la crise économique des années 1930. Vers la fin du siècle, le ratio était de 44,20 en décembre 1999 juste avant l’éclatement de la bulle technologique et la décennie perdue des années 2000⁵.

Le tableau suivant présente des intervalles approximatifs pour le ratio CBCVC de Shiller, selon les conditions du marché depuis 1975.

Valorisation	Ratio CBCVC de Shiller
Très abordable	Inférieur à 10
Abordable	De 10 à 20
Normale	De 20 à 25
Chère	De 25 à 35
Très chère	Supérieur à 35

Au 31 mars 2025, le ratio CBCVC de Shiller pour le marché boursier américain était de 34,78, après avoir dépassé 35 au cours des six mois précédents.

Comprendre la valorisation

Les valorisations du marché boursier ne sont pas simples à comprendre, et ce, pour plusieurs raisons :

Le marché boursier peut s’effondrer sans que les valorisations atteignent des niveaux extrêmes. Les krachs de 1973 et 1974 et de 2008 et 2009 en sont des exemples⁶.
Le marché boursier peut enregistrer de solides rendements pendant de longues périodes lorsque les valorisations sont élevées. On a pu le constater après que le ratio CBCVC de Shiller a dépassé 30 en septembre 2017 et 35 en février 2021.

Les valorisations peuvent être utiles comme marqueurs de probabilité plutôt que comme indicateurs d’opérations ou de placement à court terme. Lorsque les valorisations atteignent des niveaux très élevés qui se maintiennent pendant de longues périodes, la probabilité que les rendements à long terme soient moins élevés augmente, parce que les valorisations ont tendance à revenir à leur moyenne à long terme.

Deux façons d’envisager l’exposition aux États-Unis

Une fois que les investisseurs se sont fait une opinion sur la valorisation du marché boursier américain : abordable, chère ou juste, ils peuvent penser à leur exposition aux États-Unis. Dans cette section, nous utilisons le concept d’« exposition à la valorisation ». Posons l’exemple suivant :

L’investisseur A place la totalité de son portefeuille d’actions dans l’un des marchés boursiers les plus chers au monde.
L’investisseur B répartit le sien entre divers marchés boursiers dont la valorisation est chère, abordable et juste.

Dans cet exemple, le portefeuille de l’investisseur A affiche un niveau élevé d’exposition à la valorisation, tandis que celui de l’investisseur B en affiche un niveau modéré. Dans cette optique, nous présentons deux façons d’envisager l’exposition à la valorisation des actions américaines : la diversification mondiale et américaine.

Diversification mondiale

Le tableau suivant montre la capitalisation boursière mondiale approximative au 31 mai 2025⁷.

Marchét	Pondération
États-Unis	63,2 %
Europe et Asie-Pacifique	24,8 %
Marchés émergents	9,9 %
Canada	2,8 %
Autre	0,2 %

Les investisseurs peuvent vérifier si la pondération qu’ils accordent aux principaux marchés est adéquate compte tenu de la capitalisation boursière mondiale actuelle. Ils peuvent aussi vérifier la pondération qu’ils allouent aux marchés dont la valorisation est relativement chère par rapport à ceux dont la valorisation est relativement abordable. Par exemple, le ratio CBCVC de Shiller est disponible pour 25 marchés boursiers à travers le monde en plus de celui des États-Unis⁸.

Diversification américaine

Les investisseurs peuvent aussi examiner comment ils diversifient leur position en actions américaines. Lorsque les valorisations augmentent considérablement pendant de longues périodes, comme durant le boom technologique de 1995 à 2000, les gains du marché américain sont attribuables aux actions de croissance à grande capitalisation. Elles sont représentées par des indices pondérés en fonction de la capitalisation boursière populaires, comme le S&P 500 ou le Nasdaq 100. Au cours de la décennie perdue des années 2000 qui a suivi, les actions de croissance à grande capitalisation n’ont rien rapporté. Toutefois, d’autres segments du marché américain se sont plutôt bien comportés, notamment les actions de valeur à petite capitalisation, l’appréciation des dividendes et les secteurs défensifs, comme ceux des biens de consommation de base, de la santé et des services publics. Cela nous rappelle que le marché boursier américain ne se limite pas aux actions de croissance à grande capitalisation.

Principaux points à retenir

Depuis 2009, le marché boursier américain connaît une période d’expansion prolongée. La demande mondiale d’actions américaines a augmenté les valorisations du marché américain. Des valorisations élevées, comme celles de 1929 et de 1999, comportent le risque de rendements futurs inférieurs pendant de longues périodes.

Les actions américaines sont-elles chères? Pour répondre à cette question, les investisseurs peuvent tenir compte de la valorisation du marché boursier américain ainsi que de leur exposition aux États-Unis.

L’indicateur Buffett et le ratio CBCVC de Shiller sont deux façons de mesurer la valorisation à long terme du marché boursier américain.

L’indicateur Buffett divise le total de la capitalisation boursière par le PIB. Un niveau normal est d’environ 100 %, ce qui signifie que la valorisation du marché boursier et la production économique sont à peu près égales. Warren Buffett a prévenu que lorsque l’indicateur s’approche des 200 %, les investisseurs « jouent avec le feu ». Au 31 mars 2025, l’indicateur Buffett était de 189 %.
Le ratio CBCVC de Shiller divise le cours du marché boursier par ses bénéfices, qui sont ajustés à l’inflation pour les 10 dernières années. Un niveau normal se situe entre 20 et 25. Ce ratio dépassait 30 avant le krach de Wall Street en 1929 et 40 avant le krach technologique de 2000 à 2002. Au 31 mars 2025, il était d’environ 35.

Les investisseurs peuvent envisager l’exposition aux États-Unis de deux façons : la diversification mondiale et américaine.

Diversification mondiale : votre exposition aux actions mondiales tient-elle à un seul marché dont la valorisation est chère ou est-elle répartie entre plusieurs marchés dont les valorisations sont différentes?
Diversification américaine : votre exposition aux actions américaines est-elle principalement axée sur les actions de croissance à grande capitalisation ou vise-t-elle d’autres segments du marché?

¹ Capitalisation boursière totale : La mesure la plus couramment utilisée pour déterminer la capitalisation boursière totale est l’indice FT Wilshire 5000, aussi appelé Wilshire 5000. Cet indice vise à refléter la totalité de la capitalisation boursière pouvant être investie des États-Unis. En revanche, le populaire indice S&P 500 représente environ 80 % de la capitalisation boursière américaine, principalement des sociétés à grande capitalisation et, dans une certaine mesure, à moyenne capitalisation.

Produit intérieur brut : Dans la formulation originale de l’indicateur Buffett, le dénominateur était le produit national brut, qui comprend l’activité économique à l’intérieur et à l’extérieur des États-Unis. Au fil du temps, les analystes l’ont remplacé par le produit intérieur brut qui est plus couramment utilisé.

² Warren Buffett et Carol Loomis, Fortune, 10 décembre 2001 : Warren Buffett on the Stock Market (PDF, 2,5 Mo) En anglais seulement. Une nouvelle fenêtre s’affichera. (en anglais seulement). Dans cet article, Warren Buffett présente sa vision à long terme du marché boursier américain, notamment son introduction de l’indicateur Buffett.

³ L’indicateur Buffett : Capitalisation boursière par rapport au PIB En anglais seulement. Une nouvelle fenêtre s’affichera. (en anglais seulement). Représentation graphique de l’indicateur Buffett, de 1970 à aujourd’hui.

⁴ Explication du ratio CBCVC de Shiller En anglais seulement. Une nouvelle fenêtre s’affichera. (en anglais seulement). Informations de base sur le ratio CBCVC de Shiller, dont la définition, la formule et des exemples.

⁵ Prof. Robert Shiller, Université Yale : Données du ratio CBCVC de Shiller En anglais seulement. Une nouvelle fenêtre s’affichera. (en anglais seulement). Défiler jusqu’à l’onglet intitulé « ie_data (xls) », et sélectionner « Télécharger ». Dans le tableur, sélectionner l’onglet intitulé « data ». Comprend des données sur le ratio CBCVC de Shiller en format Excel, de 1871 à aujourd’hui.

⁶ Le ratio CBCVC de Shiller a atteint des niveaux très élevés en 1929, soit près de 33 en septembre 1929, et plus de 40 en 1999. Toutefois, il n’a pas atteint des niveaux extrêmes avant le krach de 1973 et 1974, alors qu’il était demeuré sous la barre des 20 en 1972, ni avant celui de 2008 et 2009, alors qu’il était demeuré sous la barre des 30 en 2007. Au cours de ces quatre importants krachs des 100 dernières années, le ratio CBCVC de Shiller a dépassé la barre des 30 à 2 reprises et chaque fois, une décennie perdue s’est ensuivie pour les actions américaines.

⁷ Capitalisation boursière mondiale au 31 mai 2025, selon le Vanguard total world stock ETF En anglais seulement. Une nouvelle fenêtre s’affichera. (en anglais seulement). Répartition de la capitalisation boursière mondiale par région et pays, en fonction du total des FNB de Vanguard.

⁸ Ratio CBCVC de Shiller pour 24 pays plus l’Europe En anglais seulement. Une nouvelle fenêtre s’affichera. (en anglais seulement). Représentation graphique du ratio CBCVC de Shiller pour 24 pays en plus de l’Europe.